Vous venez de recevoir une convocation à entretien préalable à licenciement ?

Statistiquement, hélas, il est rarissime (mais pas impossible) que l’employeur fasse machine arrière à ce stade de la procédure. Un licenciement sera vraisemblablement prononcé quelques jours après l’entretien.

Si vous connaissez ou pressentez les raisons de ce licenciement (faute simple ou grave, suppression de poste et impossibilité de reclassement, insuffisance professionnelle…), et qu’elles vous semblent fausses, infondées ou insuffisantes, voici les 4 premières choses à faire en prévision d’une contestation devant un conseil de prud’hommes.

1) Vérifier votre statut juridique durant la procédure

La convocation à entretien préalable peut prévoir 3 situations :

A) Une mise à pied à titre conservatoire dans l’attente de l’entretien

Vous n’avez pas le droit de vous présenter à votre poste, le contrat est suspendu le temps de la procédure et vous ne serez pas payé pour ces jours non travaillés.

Vous êtes possiblement privé d’accès à votre boîte mail professionnelle et aux sites internes de l’entreprise.

L’objectif est en partie de vous isoler de vos collègues, mais cela ne vous prive jamais du droit d’échanger avec un représentant du personnel.

La mise à pied conservatoire est une mesure (logiquement) associée à une faute grave, et à de possibles actions de la part du salarié que l’employeur veut faire cesser immédiatement.

Il est impossible de contester la mise à pied conservatoire à ce moment de la procédure, mais la mesure fera l’objet de demandes spécifiques au moment de la saisine du conseil de prud’hommes pour contester le licenciement lui-même :

  • paiement des jours non travaillés entre la mise à pied et la notification du licenciement
  • dommages et intérêt pour procédure abusive et/ou vexatoire selon les cas.

La notification d’une mise à pied conservatoire se fait soit dans le courrier de convocation à entretien, soit par courrier distinct.

Une mise à pied conservatoire n’oblige pas l’employeur à licencier pour faute grave. Il peut toujours décider de ne retenir qu’une faute simple, et dans ce cas accorder le paiement du préavis, de l’indemnité de licenciement et de la période de mise à pied conservatoire, qui se trouve de ce fait requalifiée en dispense de travail.

La mise à pied à titre conservatoire ne doit pas être confondue avec la mise à pied à titre disciplinaire (qui dure 1 à 3 jours) et n’implique pas de licenciement puisque la mise à pied constitue justement la sanction disciplinaire.

B) Une simple dispense d’activité dans l’attente de l’entretien

Dans ce cas, l’employeur vous a simplement dispensé de travail mais continue de payer le salaire jusqu’au licenciement. Vous avez en principe accès à votre boîte mail.

L’objectif est toujours (en partie du moins) de vous isoler de vos collègues, mais cela ne vous prive jamais du droit d’échanger avec un représentant du personnel.

La mesure est souvent justifiée par le fait que l’employeur ne souhaite pas laisser le salarié convoqué répandre rumeurs et incriminations au sein des équipes… Cette mesure présage d’un licenciement sans faute grave.

C) Ni mise à pied ni dispense

Dans ce cas aucune mention particulière ne figure dans la lettre de convocation à l’entretien. Le salarié continue de travailler jusqu’à la date de l’entretien. C’est le cas le plus rare.

ATTENTION :

En cas de mise à pied ou dispense, (cas A ou B), vérifiez que vous disposez d’un écrit officiel vous notifiant cette mesure. La dispense simple (cas B) peut parfois être signifiée par mail.

Il est exclut de vous signifier ces mesures verbalement : considérez dans ce cas que vous n’avez « rien entendu » et demandez un écrit. Seuls les écrits comptent et votre employeur le sait.

Le risque d’obéir à une dispense signifiée verbalement : vous serez considéré en absence injustifiée ! (déjà vu).

2) Sauvegarder les documents qui pourront être utiles à votre défense

En fonction de la situation qui vous est imposée pendant la procédure, vous aurez ou non accès à vos mails, à vos documents de travail.
Ne tardez pas, dès la réception de la convocation à entretien, à sauvegarder les documents utiles (voire indispensables) à la preuve de votre contestation à venir :

  • mails de travail,
  • sms et échanges sur des logiciels internes,
  • comptes rendus de réunions,
  • mails sur les objectifs à atteindre,
  • comptes rendus d’entretiens annuels d’évaluation,
  • organigrammes en cas de réorganisation,
  • tableaux comparatifs de résultats au sein d’une équipe,
  • demandes de formation sans réponse,
  • mails de félicitations et remerciements,
    Etc.

La jurisprudence évolue et tend à garantir aux salariés licenciés l’accès à leurs données numériques, mais dans la réalité, l’employeur sommé de communiquer certains documents dès le Bureau de Conciliation, ou dans le cadre de l’échange de pièces et conclusions, se dispense de répondre. Or, sans preuves tangibles, un dossier est vide…

3) Se préparer à ne PAS parler pendant l’entretien

Contrairement à ce que beaucoup supposent, il est peu utile de se « défendre » ou se justifier pendant l’entretien préalable, c’est même le plus souvent contreproductif.

  • l’échange est verbal, et l’employeur peut évoquer des sujets pendant l’entretien, qui ne seront finalement pas retenus dans la lettre de licenciement.
  • la rédaction d’un compte-rendu d’entretien ne change pas grand-chose : que ce compte-rendu soit rédigé par vous ou par le collègue qui vous a assisté, il n’est pas opposable à l’employeur.

Il est davantage pris en considération par les conseillers prud’homaux s’il est rédigé par un représentant du personnel, mais il ne suffit absolument pas à réfuter les griefs qui figureront dans la notification. Il ne constitue pas une preuve, simplement un compte rendu des questions posées ou remarques formulées.

  • l’échange sert en principe à permettre au salarié de répondre aux reproches qui lui sont faits. En réalité, cela permet surtout à l’employeur de connaître les éventuels « atouts » du salarié : témoignages, erreurs de date, écrits dont l’employeur n’aurait pas connaissance…

Plus vous vous justifiez, plus vous aidez l’employeur à affiner la lettre de licenciement et à la rendre plus solide.

Mieux vaut ne rien dire et laisser l’employeur dans d’éventuelles erreurs factuelles. Vous avez le droit de vous montrer abattu, mécontent, et de vous taire. Surtout si l’employeur annonce des faits dont vous savez qu’il ne pourra pas les prouver, ou s’il se trompe dans des dates, des personnes, des noms de dossier : ne le contrariez pas ! Ses erreurs permettront de contester la lettre plus facilement.

Car :

  • Seuls les reproches mentionnés dans la notification de licenciement comptent. On dit que la notification « fixe les termes du litige », et engage l’employeur à limiter ses reproches à cette lettre.
  • Ce qui se dit ou s’écrit avant ou après la lettre de licenciement ne compte pas. Les éventuels nouveaux reproches ou faits fautifs invoqués pendant la procédure prud’homale par l’employeur ne sont pas recevables, puisqu’ils n’ont pas été mentionnés dans la notification.

4) Sonder quels collègues accepteraient de témoigner en votre faveur

Si vous avez un peu d’ancienneté, vous avez noué possiblement des relations amicales avec certains collègues, dont certains vous manifesteront de la sympathie en apprenant votre licenciement. Certains iront jusqu’à vous proposer de l’aide : la chose la plus utile à faire est de vous écrire une attestation à produire en justice.

Ne tardez pas à proposer à ces personnes la rédaction d’une attestation. Dès que vous disposez de la notification de licenciement, voyez avec vos soutiens quel grief de la lettre ils peuvent vous aider à contester : de quoi ont-ils été témoins directs qui prouve qu’un des griefs est infondé ? A quelle réunion ont-ils assisté, quel échange, quel débat au cours duquel ils ont entendu une chose vous concernant ? Sur quel dossier ont-ils travaillé avec vous ?

L’attestation utile ne parle pas d’impressions personnelles ni de ressentiment envers l’employeur. Elle évoque des faits précis, datés, circonstanciés, qui contredisent les faits décrits dans la lettre de licenciement.

S’ils sont d’accord pour rédiger l’attestation, fournissez-leur un formulaire Cerfa vierge « attestation de témoin » qui se trouve en ligne sur le site service-public.fr (formulaire 11527.03). Ils doivent le remplir de façon manuscrite, le dater et le signer et fournir une copie de leur pièce d’identité.

Si les collègues auxquels vous pensiez ne vous répondent pas, ou refusent, ne les relancez pas par écrit : c’est inutile, et vous pourriez être accusé de faire pression sur eux.

Ces 4 actions sont cruciales et peuvent permettre de constituer un dossier solide pour contester le licenciement notifié, ou encourager l’employeur à négocier une transaction.