Convention collective de la banque : garanties et indemnisations spécifiques au secteur bancaire

Le licenciement des salariés du secteur bancaire obéit à des particularités originales, dont il faut tenir compte en cas de contestation devant un conseil de prud’hommes ou lors d’une négociation.

Le secteur bancaire, c’est-à-dire ?

La convention collective nationale de la banque, dont la dernière version date du 10 janvier 2000, étendue par arrêté du 17 novembre 2004, s’applique aux salariés des entreprises agréées en qualité de banques – selon le code monétaire et financier.

Attention, le champ d’application est à prendre au sens strict :
Les sociétés financières, sociétés de services financiers spécialisés : affacturage, crédit-bail, crédit consommation, financement, sociétés de bourse, de gestion de portefeuille, etc., ne relèvent pas de la CCN de la banque.

La CCN de la banque s’applique en revanche aux salariés cadres ou non cadres affectés à des postes qui peuvent ne pas concerner directement l’activité bancaire réglementée, dès lors qu’ils exercent au sein d’une banque : RH, communication, informatique, intendance, etc.

Les bulletins de paye portent en principe la mention de la convention collective applicable, permettant de lever toute ambiguïté.

Enfin, un accord d’entreprise peut être signé au sein d’une banque particulière : les dispositions de l’accord doivent forcément être plus favorables ou créer des droits supplémentaires n’existant ni dans la loi ni dans la CCN de la banque.

On comparera, thème par thème, les avantages accordés par :

  • la loi,
  • la CCN de la banque
  • l’éventuel accord d’entreprise,
    pour appliquer le plus avantageux des 3 : nombre de congés payés, calcul de l’indemnité de licenciement ou d’ancienneté, etc.

Particularités de la CCN de la banque en cas de licenciement :

La plupart des conventions collectives prévoient des dispositions communes à tout licenciement, quel que soit le motif.

Les articles 26, 27, 28 et 29 de la CCN de la banque prévoient d’emblée 4 types de licenciements :

  • licenciement non disciplinaire,
  • licenciement disciplinaire,
  • licenciement en cas de condamnation,
  • licenciement économique,

avec des barèmes indemnitaires distincts, et certaines mesures plus protectrices que la loi.

1) Licenciement pour motif non disciplinaire :

Le motif non disciplinaire est un motif personnel (lié à la personne du salarié, à la différence du motif économique, lié au poste de travail), mais qui n’est pas lié à une faute.

L’article 26 de la CCN vise deux motifs non disciplinaires :

  • l’insuffisance professionnelle,
  • l’inaptitude.

L’insuffisance est un motif non fautif, liée à une performance insuffisante du salarié, et l’inaptitude est liée à l’état de santé du salarié.

La recherche d’une solution avant licenciement :

L’article 26 précise aussitôt :

« Avant d’engager la procédure de licenciement, l’employeur doit avoir considéré toutes solutions envisageables, notamment recherché le moyen de confier au salarié un autre poste lorsque l’insuffisance résulte d’une mauvaise adaptation de l’intéressé à ses fonctions. »

Article 26

Cette phrase crée à elle seule une importante garantie, qui n’a pas son équivalent dans d’autres conventions : l’employeur, même s’il a constaté l’insuffisance d’un salarié, doit « considérer toutes solutions envisageables », et notamment lui rechercher un poste plus adapté si l’insuffisance vient d’une mauvaise adaptation du salarié à ses fonctions.

On pourra débattre de ce qu’est une « mauvaise adaptation », expression qui semble viser plutôt l’échec d’une prise de poste, donc d’un début de collaboration, qu’une insuffisance professionnelle survenant en cours de carrière.

Les autres solutions peuvent être de former le salarié et renforcer ses compétences : ce préalable au licenciement pour insuffisance professionnelle rejoint une des exigences de la cour de cassation pour valider ce motif de licenciement.

La recherche d’un autre poste à confier au salarié en échec est au contraire une précaution propre à la CCN de la banque.

Le barème de l’indemnité de licenciement :

L’article 26, relatif au licenciement pour motif non disciplinaire, prévoit un barème spécifique d’indemnité de rupture. Ce barème est plus avantageux que le barème légal, et supérieur à nombre d’autres conventions collectives.
Ce barème est, pour les salariés embauchés à compter de 2002 :

  • 1/5e de mensualité par semestre complet d’ancienneté.

Ce barème est avantageux puisqu’il décompte l’ancienneté par semestre et non par année, ce qui compense largement le mode de calcul du salaire de référence : 1/13ème du salaire de base annuel.
Le résultat est plafonné à 15 mois de salaire, quelle que soit l’ancienneté.

Nota Bene :
L’indemnité légale prend comme salaire de référence la moyenne des 12 derniers mois de salaire versés, incluant toutes les composantes de salaire cotisable (primes, 13ème mois, heures supplémentaires etc). Seules les primes versées de façon exceptionnelle et intitulées comme telles sont exclues.
L’indemnité conventionnelle prend un salaire de référence appelé « salaire de base annuel » qui inclut le 13ème mois, mais exclut toute autre composante cotisable.

2) Licenciement pour motif disciplinaire :

Il s’agit du licenciement prononcé pour une faute, qui doit être précisée de façon factuelle dans la notification.

L’article 27 prévoit une garantie spécifique :

La commission de recours :

En cas de motif disciplinaire (pour faute, manquement contractuel), la convention prévoit également une garantie supplémentaire pour le salarié, qui peut saisir, une fois reçu sa lettre de licenciement :

  • soit la commission paritaire de recours interne à l’entreprise, mise en place par un accord d’entreprise quand cela a été fait,
  • soit la commission paritaire de la banque,

Un recours excluant l’autre.

Le licenciement ne peut être définitivement notifié, en cas de recours, qu’après l’avis de la commission saisie, qui examine les pièces et arguments du salarié, et ceux de l’employeur.

Attention : la saisine par le salarié d’une instance judiciaire (conseil de prud’hommes) met fin automatiquement à la mission de la commission de recours. Il faut donc attendre la décision de la commission pour, si le licenciement est confirmé, contester le licenciement devant un conseil de prud’hommes.

L’indemnité de licenciement :

En cas de faute « simple », l’indemnité de licenciement est calculée selon le barème légal, et non celui de l’article 26.
En cas de faute grave ou lourde, aucune indemnité de licenciement n’est due.

3) Licenciement en cas de condamnation :

Un motif propre au secteur bancaire…

L’article 28 de la convention collective énonce un motif de licenciement possible, (mais non automatique) découlant d’une condamnation du salarié qui ne serait pas liée à son activité professionnelle :

« L’employeur peut prononcer le licenciement d’un salarié condamné pour un crime ou un délit (contre les personnes, les biens, la nation, l’Etat) dès lors qu’il touche à l’honneur ou à la probité. »

Article 28

Ce motif s’entend comme une particularité liée à l’activité réglementée de la banque, nécessitant une probité particulière compte tenu de l’accès des salariés à des comptes bancaires et à des espèces numéraires.

… qui ne justifie pas automatiquement le licenciement

Ce motif original doit cependant répondre aux exigences des tribunaux et des principes du droit du travail pour être considéré comme légitime.
En d’autres termes, l’employeur devra démontrer en quoi la condamnation du salarié justifie d’emblée la rupture du contrat de travail, compte tenu de son activité précise au sein de la banque, faute de quoi un juge pourrait requalifier le licenciement.

Si le salarié n’exerce pas directement une activité de banquier, à ce titre réglementée, mais exerce un autre métier au sein de la banque, et que la condamnation n’a aucun rapport avec ce métier, la légitimité du licenciement n’est pas systématique.

Il convient aussi de prendre en compte l’évolution jurisprudentielle des notions d’honneur et de probité. Un chargé de clientèle condamné pour vol, par exemple, pourrait plus facilement être licencié pour le motif de condamnation, qu’un informaticien travaillant au sein d’une banque condamné par ailleurs pour exhibition sexuelle…

4) Licenciement pour motif économique :

Le motif économique est également abordé par l’article 29 de la convention collective :

La procédure est celle des textes légaux, le motif en lui-même défini selon les normes légales et jurisprudentielles en vigueur, mais l’article prévoit une garantie supplémentaire en cas de licenciement économique individuel.

Le salarié peut demander, dans les 10 jours suivant la notification du licenciement économique, une « révision de la décision ».

L’article ne précise pas sur quel critère le licenciement peut être révisé, ni les conséquences précises de cette révision. On suppose qu’il est alors recherché un poste de reclassement, recherche qui doit, selon la loi, avoir lieu en tout cas avant la notification.

L’indemnisation du licenciement économique :

Le barème spécifique prévu par l’article 29 en cas de licenciement économique prévoit, pour les salariés embauchés depuis 2002 :

  • une mensualité de référence équivalente à 1/12e du salaire de base annuel (cf remarques du paragraphe 1/)
  • une indemnité d’un quart de mensualité de référence par semestre d’ancienneté.

Ce barème reste beaucoup plus avantageux que le légal, qui prévoit ¼ de mois de salaire moyen par année d’ancienneté (et non par semestre), même si la mensualité de référence est moins avantageuse dans la convention de la banque.

Comme toute convention collective, ces dispositions doivent constamment être comparées aux dispositions légales et à la jurisprudence, afin d’en apprécier exactement la portée et les avantages.