Le statut de cadre dirigeant : questions fréquentes et idées reçues

D’après votre contrat de travail, l’organigramme de l’entreprise ou votre carte de visite, vous êtes Cadre Dirigeant… mais l’êtes-vous vraiment, juridiquement ? Quels sont les critères à remplir ? Quels droits ce statut ouvre-t-il ?
Voici les réponses !

Quelle est la définition juridique d’un Cadre Dirigeant ?

Il faut combiner la loi et la jurisprudence pour définir tout à fait ce statut.

La définition légale est celle du code du travail, prévue par l’article L3111-2 :

« Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III.
Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. »

Cette définition, rédigée en termes généraux, doit être complétée par un examen au cas par cas. C’est pourquoi les tribunaux ont apporté des précisions, au gré de leurs décisions.

Le « vrai » cadre dirigeant répond donc à quatre conditions qui reprennent le texte de loi et le complètent :

1) Il exerce des responsabilités importantes dans l’entreprise, impliquant une grande indépendance dans l’organisation de son temps.

Cela implique l’exercice d’un pouvoir de direction, au moins sur un domaine ou département de l’entreprise, ce qui est à apprécier au vu de la réalité des mis-sions assumées. Ainsi, est cadre dirigeant le directeur qui a sous son autorité les établissements et l’ensemble du personnel, qui dispose du pouvoir de recru-ter, exception faite des médecins, qui assure la préparation des travaux du conseil d’administration et de la mise en œuvre de la politique définie par ce dernier (Cour de cassation chambre sociale 18 novembre 2015).
Cela implique également de ne pas être contrôlé sur l’organisation ni la durée de son temps de travail. De ce fait, être soumis à un horaire de travail contrac-tuel décompté à la semaine (39 h ou 35 h) ou même au mois est incompatible avec le statut de cadre dirigeant (Cour de cassation chambre sociale 9 avril 2015).

2) Il est habilité à prendre des décisions de façon largement autonome.

Cela implique de ne pas recevoir de consignes d’organisation, sauf à ce qu’elles se limitent à des objectifs (Cour d’Appel Versailles, 14 février 2013), de ne pas avoir de fréquents comptes à rendre sur son planning ou ses agissements (Cour de cassation chambre sociale 10 juillet 2013).

3) Il dispose d’une rémunération élevée.

Ce caractère « élevé » s’apprécie au regard non du montant mais de la sa position dans l’échelle des rémunérations pratiquées dans l’entreprise en question.

En toute logique, et selon la Cour de cassation, les cadres dirigeants d’une entreprise ne représentent qu’une part infime des effectifs (il y a peu de vrais dirigeants par entreprise) et ils perçoivent les salaires les plus élevés de l’entreprise, puisqu’ils exercent les fonctions de direction (Cour de cassation chambre sociale 5 mars 2015).

4) Il participe de manière effective à la Direction de l’entreprise.

Ce critère a été ajouté par la Cour de cassation par son arrêt du 15 juin 2016, pour renforcer la cohérence de ce statut et mieux le délimiter.

En pratique, cela implique que le cadre en question « dirige », et qu’il est donc gérant, ou fait partie du conseil d’administration, ou appartient au Comité de Direction ou encore Comité Exécutif, et est en tout cas associé aux grandes lignes de décision.

Sont le plus souvent cadres dirigeants : le Président Directeur Général, les Directeurs Généraux et parfois leurs adjoints, le Directeur Administratif et Financier, le Directeur des Ressources Humaines.

Ils sont habilités à prendre des décisions autonomes sans autorisation préalable, et peuvent être appelés à remplacer le PDG en son absence.

La participation à la direction n’est cependant pas un critère autonome et distinct se substituant aux trois premiers critères d’origine légale. En d’autres termes, la qualification de cadre dirigeant ne peut être écartée pour la seule raison « qu’il n’est pas démontré que le salarié participait réellement à la direction de l’entreprise ».
Pour la Cour de cassation, le salarié qui exerce des responsabilités importantes, dispose d’une grande indépendance dans l’organisation de son temps de travail, un pouvoir de décision réellement autonome et une rémunération parmi les plus élevées de son entreprise, est un salarié qui participe forcément à la direction de l’entreprise.

On peut donc être cadre supérieur ou cadre de haut niveau sans pour autant répondre à la qualification juridique précise de cadre dirigeant.

Quelles sont les conséquences du statut de cadre dirigeant pendant l’exécution du contrat ?

Comme le précise l’article L3111-2 du code du travail, « Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III. »

Il s’agit des dispositions du Livre premier, 3epartie, Titre II : Durée du travail, répartition et aménagement des horaires et Titre III : Repos et jours fériés.

Ainsi, le cadre dirigeant n’est pas soumis au décompte de la durée du travail, ni en jours ni en heures.
Il n’est pas non plus concerné par les dispositions du code du travail relatives au repos quotidien et hebdomadaire, aux durées maximales de travail, au contrôle de la durée du travail, aux heures supplémentaires, jours fériés, travail de nuit ou astreintes.

Même s’il est de ce fait exclu des conventions de forfait (en jours ou en heures), rien n’empêche l’attribution de jours de RTT à un cadre dirigeant en application d’un accord d’entreprise.

Légalement, le cadre dirigeant ne bénéficie que des congés payés, du repos obligatoire pour les femmes enceintes, et des éventuels congés non rémunérés, congés pour évènements familiaux et du compte épargne-temps.

Le cadre dirigeant doit également veiller à faire respecter, pour lui-même et pour les autres cadres dirigeants, l’obligation de sécurité de résultat qui implique que la charge de travail ne porte pas atteinte à la santé.

Quelles sont les conséquences de ce statut à la rupture du contrat ?

Un cadre dirigeant a souvent négocié, lors de son embauche, une clause pré-voyant une indemnisation spécifique en cas de licenciement, appelée « clause parachute ».

Pour cette seule raison, les conflits et recours aux conseils de prud’hommes sont plus rares, les éventuelles dissensions ayant été anticipées. La négociation est également privilégiée afin d’éviter des débats publics sur le fonctionnement in-terne de telle société.

Les contentieux surviennent lorsque, précisément, le cadre réalise qu’il avait de fait un statut de dirigeant mais qu’il n’en a pas tiré tous les avantages.

L’issue transactionnelle est privilégiée, et aura pour enjeu d’estimer l’impact so-cial et fiscal des sommes négociées, car elles frôlent ou dépassent souvent les plafonds d’exonération de cotisations accordées par les textes.

Dans le même ordre d’idée, la clause de non-concurrence sera examinée avec attention, car elle est plus rarement levée par l’employeur s’agissant d’un cadre dirigeant.
Sa validité et son indemnisation doivent donc être scrutées.

Faute grave : le statut de cadre dirigeant de l’exclut pas !

Bien que le contrat de travail d’un cadre dirigeant prévoit souvent des clauses d’indemnisation spécifiques en cas de rupture (clause parachute, clause de non-concurrence…), le licenciement pour faute grave n’est pas impossible !

Du fait même du niveau de son niveau de responsabilité, la faute du cadre dirigeant, sa négligence ou une divergence de vue rendent rapidement les relations intenables.

Les clauses d’indemnisation fonctionneront, sauf si elles excluent précisément le cas de la rupture pour … faute grave. Pensez-y au moment de la signature.

Bonus :

Voici ci-après des exemples de descriptions de positions cadres dans deux des conventions collectives.

Bénéficier de la plus haute position conventionnelle est nécessaire, mais non suffisant, pour être considéré comme cadre dirigeant.

Tout dépend de la réalité des taches et de la taille et organisation de l’entreprise.

Convention collective SYNTEC :

POSITION 3 3.1. Ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d’un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en œuvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef. Coefficient hiérarchique : 170 .

3.2. Ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l’accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant, et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature. Coefficient hiérarchique : 210.

3.3. L’occupation de ce poste, qui entraîne de très larges initiatives et responsabilités et la nécessité d’une coordination entre plusieurs services, exige une grande valeur technique ou administrative. Coefficient hiérarchique : 270.

Convention collective Métallurgie :

Position III :
L'existence dans une entreprise d'ingénieurs ou cadres classés dans l'une des positions repères III A, III B, III C n'entraîne pas automatiquement celle d'ingénieurs ou cadres classés dans les deux autres et inversement. La nature, l'importance, la structure de l'entreprise et la nature des responsabilités assumées dans les postes conditionnent seules l'existence des différentes positions repères qui suivent :

Position repère III A :
Ingénieur ou cadre exerçant des fonctions dans lesquelles il met en œuvre non seulement des connaissances équivalentes à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances fondamentales et une expérience étendue dans une spécialité.
Ses activités sont généralement définies par son chef qui, dans certaines entreprises, peut être le chef d'entreprise lui-même.
Sa place dans la hiérarchie le situe au-dessus des agents de maîtrise et des ingénieurs et cadres placés éventuellement sous son autorité ou bien comporte dans les domaines scientifique, technique, administratif, commercial ou de gestion des responsabilités exigeant une large autonomie de jugement et d'initiative dans le cadre de ses attributions.

Position repère III B :
Ingénieur ou cadre exerçant des fonctions dans lesquelles il met en œuvre des connaissances théoriques et une expérience étendue dépassant le cadre de la spécialisation ou conduisant à une haute spécialisation.
Sa place dans la hiérarchie lui donne le commandement sur un ou plusieurs ingénieurs ou cadres des positions précédentes dont il oriente et contrôle les activités, ou bien comporte, dans les domaines scientifique, technique, com-mercial, administratif ou de gestion, des responsabilités exigeant une très large autonomie de jugement et d'initiative.

Position repère III C :
L'existence d'un tel poste ne se justifie que par la valeur technique exigée par la nature de l'entreprise, par l'importance de l'établissement ou par la nécessité d'une coordination entre plusieurs services ou activités.
La place hiérarchique d'un ingénieur ou cadre de cette position lui donne le commandement sur un ou plusieurs ingénieurs ou cadres des positions précédentes.
L'occupation de ce poste exige la plus large autonomie de jugement et d'initiative.
Une telle classification résulte aussi de l'importance particulière des responsabilités scientifique, technique, commerciale, administrative ou de gestion confiées à l'intéressé en raison du niveau de son expérience et de ses connaissances sans que sa position dans la hiérarchie réponde à la définition ci-dessus ni même à celles prévues aux repères III A et III B.