Le licenciement verbal : définition et sanction par les tribunaux

La Cour de cassation a rappelé et précisé récemment les contours du licenciement verbal :
C’est une sorte d’énorme gaffe commise par l’employeur, qui annonce à un salarié la fin de son contrat de travail mais trop tôt, trop vite, et hors des formes requises.
Le salarié doit cependant faire la preuve de cette annonce inappropriée.
Si la preuve est faite d’un licenciement verbal, la sanction est implacable : le licenciement, même ensuite régularisé, est illicite, et à ce titre requalifié en licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Définition du « licenciement verbal » :

C’est une notion créée par les tribunaux, devant apprécier la situation concrète suivante : un employeur, qui a éventuellement déjà convoqué un salarié à un entretien préalable mais qui ne lui a pas encore notifié son licenciement par écrit, lui annonce la rupture définitive du contrat.

La situation typique qui vient à l’esprit est l’altercation entre un salarié et son employeur, au terme de laquelle l’employeur s’écrie : Tu es viré !, et ce devant tout un bureau ou un atelier… Mais cette annonce peut être faite par d’autres moyens moins évidents.

Cette annonce constitue un licenciement verbal, c’est-à-dire irrégulier et donc sans effet.

Le licenciement verbal est donc reconnu lorsque trois éléments sont réunis :

  1. l’annonce de la rupture du contrat de travail a lieu,
  2. cette annonce précède la notification régulière du licenciement (par lettre recommandée conformément aux dispositions du code du travail),
  3. la preuve de l’annonce est constituée et produite devant les juges.

Autre subtilité, mise en lumière par une récent décision de la Cour de cassation (Chambre sociale, 23 octobre 2019, 17-28.800) : l’annonce peut être faite, non pas directement au salarié concerné, mais à des tiers qui en seront témoins. Dans l’espèce, le licenciement avait été annoncé devant les représentants du personnel, lors d’une réunion du comité d’entreprise, l’annonce ayant été inscrite dans le procès-verbal, ce PV ayant par la suite constitué la preuve des propos tenus en réunion.

Dans l’espèce en question, le salarié avait déjà été convoqué à l’entretien préalable, mais pas encore licencié par notification régulière. L’employeur avait encore, en principe, la possibilité de changer d’avis, puisque même après l’entretien préalable il doit respecter un délai de deux jours ouvrables de réflexion.

Cet arrêt du 23 octobre 2019 confirme une position de la Cour déjà affirmée par arrêt du 23 juin 1988 (96-41.688), mais dans l’espèce de 2019, la convocation à entretien préalable avait déjà été adressée. Dans les deux cas, que l’entretien préalable ait eu lieu ou non, la Cour rappelle que l’employeur ne peut pas annoncer la rupture du contrat de travail tant que la notification n’a pas été adressée en bonne et due forme.

S’agissant de la preuve d’une annonce faite verbalement, le plus simple est de pouvoir produire une attestation de témoin, mais il faut pour cela qu’il y ait eu des témoins des propos tenus par l’employeur.

Les juges exigent en effet toute pièce permettant de « caractériser la volonté de l’employeur à cette date de rompre le contrat de travail », comme l’a exposé la Cour dans une décision du 14 avril 2016.

Le seul fait de ne pas fournir de travail à effectuer à un salarié ne peut suffire à établir l’existence d’un licenciement verbal.

Le licenciement verbal est donc souvent délicat à prouver, même si « tout le monde a entendu », car il peut être délicat de recueillir des attestations.
Sauf si la parole de l’employeur a été recueillie par procès-verbal ou compte -rendu de réunion, comme dans le cas de l’annonce faite aux représentants du personnel.
Sauf encore si l’employeur fait l’erreur d’annoncer le licenciement par… écrit.

Le licenciement verbal n’est donc pas forcément …verbal :

On l’a dit, la forme de l’annonce est souvent une déclaration verbale péremptoire (ou du moins imprudente) de l’employeur, au salarié ou à des tiers témoins. Mais au vu de diverses décisions judiciaires prud’homale, au gré des espèces concrètes soumises au jugement, il apparaît que l’annonce peut être faite par tout support, y compris écrit.

Ainsi et par exemple, a été jugé « licenciement verbal » et de ce fait requalifiable en licenciement sans cause réelle ni sérieuse un licenciement annoncé par voie de communiqué de presse, communiqué repris par la presse, et ce avant même toute mise en œuvre de procédure légale de licenciement. Ou encore, un compte-rendu de réunion du personne

On peut donc imaginer qu’un licenciement annoncé par réseau social, par sms au salarié, par mail ou autre support, adressé avant la notification et ne correspondant pas à une notification dans les formes et délais requis, peut être qualifié de licenciement verbal.

Qu’il soit strictement verbal ou en réalité écrit, le licenciement annoncé trop tôt et sans les formes ne peut être ensuite rectifié par une notification régulière et motivée : la Cour rappelle, de façon constante, que cet envoi a posteriori est inopérant (chambre sociale, 12 novembre 2002, n° 00-45.676).

Le fait par exemple d’annoncer au salarié qu’il est licencié, dès la fin de l’entretien préalable, pourrait n’être qu’une erreur de procédure qui n’affecte pas le bien-fondé du licenciement.

Mais, constamment, la Cour refuse de considérer que l’annonce prématurée du licenciement n’est pas qu’un problème de procédure, qui ne « coûterait » qu’une indemnité d’irrégularité de procédure (1 mois de salaire en dommages et intérêts), mais bien un vice de fond affectant la validité de la mesure et la vidant de toute cause recevable, même si un courrier motivé été adressé a posteriori.

La seule façon pour l’employeur de « rattraper sa gaffe » est d’affirmer qu’il n’a pas annoncé le licenciement du salarié mais seulement sa mise à pied conservatoire, qu’il peut confirmer par écrit le plus rapidement possible.

Signifier une mise à pied conservatoire verbalement puis la confirmer par écrit le jour même est en effet possible et licite.

Dans ce cas, l’annonce verbale du licenciement devient l’annonce verbale d’une mise à pied, puis l’employeur a le temps de dérouler correctement la procédure.

Attention, donc, aux mots malheureux prononcés ou écrits trop tôt !