Congés payés et maladie : récapitulatif de la loi du 22 avril 2024 et précisions jurisprudentielles

Jusqu’à la loi d’avril 2024 :

En cas de maladie non professionnelle, l’acquisition de congés payés était préconisée par l’Union européenne, mais ne constituait pas une obligation légale en France, laissant prospérer des situations disparates selon les entreprises.

Seuls les arrêts liés à un accident du travail ou une maladie professionnelle ouvraient droit à ce bénéfice, et uniquement pendant la première année d’arrêt. Cette règle contredisait la Charte européenne des droits fondamentaux, garantissant un droit au repos sans discrimination.

Le 13 septembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation – plus haut degré de juridiction – a jugé par deux arrêts que cette exclusion de la maladie non professionnelle au droit à acquérir des congés payés était contraire à la directive 2003/88/CE.

Cette décision a généré une incertitude juridique et des litiges répétés entre salariés et employeurs, les interprétations des cours d’appel étant divergentes, incitant le législateur français à intervenir.

La loi du 22 avril 2024 :

  • Aligne la France sur l’Union européenne, permettant désormais l’acquisition de 2 jours ouvrables par mois d’arrêt de travail (au lieu de 2,5 jours en cas de travail), avec un plafond annuel de 24 jours.
  • Assimile désormais les périodes d'arrêt maladie non professionnelle à du temps de travail effectif pour l'acquisition de congés.
  • Crée une obligation pour l’employeur de notifier au salarié, dans le mois suivant sa reprise (ou au moment de la rupture du contrat en cas de licenciement notamment pour inaptitude), le nombre de jours acquis et leur date limite d’utilisation.

Les modalités de transmission sont strictes : bulletin de paie, e-mail avec accusé de réception, lettre recommandée.

  • aménage des dispositions pour régulariser la situation des salariés ayant été en maladie au cours des années précédentes avec rétroactivité jusqu’en 2009.
  • crée un report possible de 15 mois pour utiliser ces droits à congé au moment de la reprise d’activité, que ces droits aient été acquis avant ou pendant l’arrêt.

Le point de départ du délai de report, deux cas de figure :

  1. Arrêts de moins d’un an : Le délai de 15 mois commence à la reprise, si l’employeur informe le salarié. Exemple : un salarié repris le 2 avril 2025 et informé le 15 avril 2025 pourra utiliser ses congés jusqu’au 15 juillet 2026.
  2. Arrêts d’un an ou plus : Le délai débute à la fin de la période d’acquisition. Si l’absence persiste après 15 mois, les droits expirent. Les accords d’entreprise peuvent prévoir des durées prolongées.
  • maintient des règles plus avantageuses pour les accidents du travail et maladies professionnelles, tant en termes de jours de congés acquis qu’en termes de limite de durée de l’arrêt de travail :

Comparatif d'acquisition des congés payés en arrêt maladie

Motifde l'arrêt Joursacquis par mois Plafondannuel Limitede durée de l'arrêt
Maladie ou accident non professionnel 2jours ouvrables 24jours ouvrables (4 semaines) Aucune
Accident du travail ou maladie professionnelle (AT/MP) 2,5jours ouvrables 30jours ouvrables (5 semaines) Aucune (suppression de la limite d'un an)
  • crée une rétroactivité exceptionnelle.

Cette loi ouvre, de façon inhabituelle une rétroactivité au 1er décembre 2009, permettant aux salariés en poste jusqu’au 23 avril 2026 de réclamer leurs droits.

C’est une rétroactivité exceptionnellement longue qui vise à purger les réclamations des salariés en cours de maladie et/ou de contrat de travail, qui auraient pu s’estimer lésés de ne pas pouvoir bénéficier de cette loi. Cette rétroactivité a néanmoins créé pour l’employeur l’obligation de provisionner des sommes importantes au titre de ces régularisations.

  • crée deux délais distincts de prescription pour agir en justice (au cas où l’employeur ne se conformerait pas spontanément à la loi).

Deux régimes coexistent selon la situation du salarié :

  1. Salariés encore en poste : Ceux liés à leur employeur au 24 avril 2024 disposent d’un délai de 2 ans pour réclamer leurs droits acquis rétroactivement. L’action doit être lancée avant le 23 avril 2026, indépendamment de l’information de l’employeur.
  2. Salariés ayant quitté l'entreprise : La prescription triennale s'applique, le délai de 3 ans courant à partir de la rupture du contrat. Ainsi, un salarié parti en 2020 ne pourrait plus réclamer de compensation après 2023. Toutefois, l'interprétation du gouvernement reste incertaine : un départ antérieur au 24 avril 2021 (soit 3 ans avant la promulgation de la loi) pourrait fermer définitivement l'accès à ces droits. La jurisprudence n’a pas encore tranché ce point précis.

Comment faire valoir ses droits (avant d’agir en justice) :

Rassembler les documents justificatifs :

  • Les bulletins de paie des mois concernés par l'arrêt maladie.
  • Les attestations d'arrêt de travail ou décomptes de la Sécurité sociale.
  • Le contrat de travail et ses éventuels avenants.
  • Les échanges écrits avec l’employeur sur les congés ou l'absence.

Ces pièces serviront de preuves en cas de contestation.

Formaliser la demande auprès de l’employeur :

Une démarche formelle est impérative, i.e. un courrier recommandé avec accusé de réception à l’employeur, en précisant :

  • Les dates exactes de votre arrêt maladie.
  • Le nombre de jours de congés réclamés, calculé à raison de 2 jours ouvrables par mois d'arrêt.
  • La demande soit de poser ces jours, soit d'obtenir une indemnité compensatrice si le contrat est rompu.

En cas de refus ou d'absence de réponse de l’employeur :

  1. La médiation via le Comité Social et Économique pour une conciliation.
  2. La saisine du Conseil de prud'hommes : l’intervention d’un avocat est vivement recommandée compte tenu de la complexité de la procédure et des usages juridictionnels.

Les congés payés acquis pendant un arrêt maladie peuvent-ils être perdus ?

Oui, les congés acquis pendant un arrêt maladie peuvent être perdus, mais sous conditions strictes : si l’employeur a accompli son obligation d'information à l’issue de la maladie et que le salarié ne prend pas ses congés dans les 15 mois impartis, les droits expirent définitivement.

Des accords collectifs peuvent toutefois prolonger ce délai.

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