Puis-je être licencié si je suis absent à mon poste pour cause de pénurie d’essence ?

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Vous exercez un emploi qui ne peut pas faire l’objet de télétravail, ou bien le télétravail n’est pas prévu par votre entreprise ?

Vous effectuez vos trajets domicile – travail en voiture, sans possibilité de prendre des transports en commun (parce qu’ils n’existent pas ou parce qu’ils ne sont pas adaptés à vos horaires ou trajet), sans possibilité non plus de vous y rendre à pied du fait de l’éloignement ?

Vous n’avez pas pu trouver d’essence et êtes dans l’impossibilité de vous rendre sur votre lieu de travail, malgré tous vos efforts et après avoir cherché en vain de l’aide auprès de vos proches ou une solution de covoiturage ?

Vous avez prévenu votre employeur : peut-il vous licencier pour autant ?

A priori oui, à certaines conditions, mais voici quelques conseils permettant de vous protéger :

Vous êtes a priori en absence injustifiée, même si vous avez prévenu de votre absence, car vous ne disposez pas d’un justificatif légal : arrêt maladie, congés payés ou RTT validés à l’avance, ou congé sans solde validé à l’avance.

Bien évidemment, la première chose à faire est de proposer à votre employeur la prise d’un jour de congé ou RTT.
Il faut pour cela qu’il vous reste des congés ou RTT, et que votre employeur soit d’accord. Il peut refuser, parce que cette demande de congés ne répond pas aux conditions et délais fixés, ou parce que les congés sont toujours pris de façon fixe lors de la fermeture de l’entreprise par exemple l’été.

Vous pouvez également proposer d’être considéré en congé sans solde, c’est-à-dire un congé non rémunéré. La journée non travaillée ne sera de toutes façons pas payée (c’est normal, aucun travail ne sera fourni), mais l’absence en elle-même passera de fautive à justifiée.
L’employeur peut refuser le congé sans solde, même si cette solution n’est pas coûteuse pour lui, par exemple parce qu’il peut vouloir éviter un précédent.

Si cela est possible en termes d’organisation, vous pouvez enfin proposer de compenser les heures perdues en travaillant davantage d’autres jours.

Si cette solution est impossible ou refusée, le risque de la sanction allant jusqu’au licenciement est possible, surtout si l’absence dure plusieurs jours ou se reproduit régulièrement.

Que faire pour se protéger ?

Il faut tenter d’invoquer la force majeure.

Certains faits peuvent en effet délivrer un cocontractant de ses obligations contractuelles (un salarié dans le cas présent) si ces faits relèvent d’une force majeure.

Selon l’article 1218 du code civil :
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un évènement échappent au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. »

On pense par exemple à un cataclysme naturel ou un épisode météorologique extrême (tempête de neige, inondations), à un attentat ou des faits de guerre, à un accident de la circulation dont on est victime, à une maladie survenue subitement, etc.

Ce qui peut être invoqué comme une force majeure doit cependant répondre à trois critères :

  • l’absence de contrôle du salarié sur l’évènement ou les faits, qui sont étrangers et extérieurs à la volonté du salarié,
  • l’imprévisibilité de l’évènement au jour où ils se produisent, constituant une réelle surprise, même si le cocontractant est diligent et informé,
  • le caractère irrésistible des faits, qui ne peuvent être évités ni contournés malgré tous les efforts d’un individu quelconque placé dans cette situation.

Ces critères sont examinés au cas par cas :

  • une tempête de neige bloquant tous les transports parisiens peut avoir été annoncé plus ou moins par la météo : les bulletins météo sont un élément de preuve souvent utile. La tempête pourrait ne pas être considérée comme un cas de force majeure.
    Tout comme un cyclone aux Antilles ou le gel en montagne…
  • les grèves de transport sont en principe annoncées : elles peuvent difficilement être considérées comme un cas de force majeure.
  • l’accident physique est le plus souvent une force majeure mais il faudra produire des justificatifs : intervention des pompiers, rapport de police, bulletin d’hospitalisation, etc.
    Attention : l’accident ou la maladie consécutifs à une consommation d’alcool ou de drogue n’est plus une force majeure, puisque les faits ne sont pas extérieurs à la volonté du salarié…
  • une panne de voiture ne sera pas forcément considérée comme un cas de force majeure (la voiture est-elle entretenue ? A-t-on fait intervenir un dépanneur ?)

La pénurie d’essence à laquelle la France fait face actuellement est-elle un cas de force majeure ?

De moins en moins chaque jour !
Car c’est aujourd’hui une donnée prévue, annoncée. Des informations facilement accessibles (sur internet) donnent chaque jour la carte des pompes ouvertes ou non.
Les salariés qui ont été piégés les premiers jours par les stations essence fermées ont pu invoquer une situation de force majeure… à condition de prouver qu’aucune station à la ronde n’était ouverte, et qu’on ne pouvait pas se faire aider.
A ce jour, la situation est variable selon les régions et départements, et change d’un jour à l’autre.

Conseils pratiques :

  • Prévenez votre employeur de vos efforts et difficultés, par mails ou sms, sans attendre de constater que vous ne pourrez pas vous rendre sur votre lieu de travail. Ces messages prouveront qu’à telle heure, tôt le matin ou tard le soir la veille, vous avez tenté de trouver de l’essence en vain.
  • Prenez-vous en photo avec votre smartphone devant une station essence fermée, ou devant le panneau indiquant la pénurie. Ces photos sont horodatées et constituent une bonne preuve.

Ces documents seront précieux en cas de licenciement puis de contestation du licenciement.
Ils prouveront votre bonne foi et donc le caractère de force majeure des faits ayant empêché votre venue au travail.

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