Messagerie professionnelle : récapitulatif des droits et obligations du salarié et de l’employeur

Pendant le contrat de travail :

90 % des salariés français disposent d’une adresse mail professionnelle.

La messagerie professionnelle (reliée à une entité employeur et identifiée comme telle dans l’adresse) est destinée à être utilisée à des fins professionnelles durant les heures de travail.

Au quotidien, le salarié peut être néanmoins amené à utiliser cette adresse mail pour des échanges privés ponctuels, en interne avec des collègues ou avec des interlocuteurs extérieurs.

Dans ce cas, le salarié peut protéger ses échanges en mentionnant en objet : « personnel » ou « privé » ou « personnel et confidentiel ». L’employeur, ainsi prévenu, n’est pas autorisé à consulter ces mails, par respect de la vie privée dont le secret est protégé par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, y compris en entreprise.

Seule une demande des autorités judiciaires ou un cas de danger imminent pour l’entreprise autorise l’employeur d’accéder aux messages personnels du salarié, ce qui se fera alors en présence d’un huissier.

La protection des messages privés est validée par une jurisprudence constante avec deux limites :

Une utilisation raisonnable de cette adresse professionnelle en excluant absolument toute pratique illicite :

  • L’envoi ou la consultation de contenus diffamatoires, injurieux, racistes, pornographiques, incitatifs à la haine, en lien avec la préparation ou l’apologie de crimes, etc.
  • L’exercice d’une activité concurrente à celle de l’employeur (ex. prospection pour un projet parallèle destiné à un concurrent ou à sa propre structure personnelle) ;
  • La saturation du réseau par un envoi massif de courriels ou de pièces jointes ;
  • Le partage de fichiers compromettant la sécurité informatique (virus, logiciels malveillants).

Ces actes constituent des fautes disciplinaires caractérisées. Les sanctions varient selon la gravité et peuvent aller de l’avertissement au licenciement.

Une utilisation raisonnable au regard du temps passé à envoyer ou traiter ces messages personnels.

Leur volume quotidien doit être limité puisque le salarié est censé dédier son temps de travail à … son travail. Sauf à prouver que ces messages ont été adressés les soirs et week-ends, l’utilisation de la messagerie professionnelle à des fins personnelles doit rester réservée à des urgences ponctuelles : réservation de soins médicaux, réponse à un proche sur un problème organisationnel.

En revanche, un usage répétitif pour des échanges non urgents en heures de bureau pourrait être jugé contraire aux obligations du salarié, sans même qu’il soit nécessaire de prendre connaissance du contenu des messages. Un volume important de messages envoyés signifie nécessairement une baisse de productivité ou un usage systématique en dehors des pauses.

Le droit à la déconnection :

Le droit à la déconnexion, inscrit dans le Code du travail (article L2242-8), protège les salariés en dehors des heures de travail de toute sollicitation numérique. L’employeur doit respecter les temps de repos (y compris pour un cadre au forfait jours qui bénéficie néanmoins de 11 heures de repos entre deux jours de travail) : un manager ne peut exiger des réponses hors des plages horaires définies. Cependant, cette règle ne s'applique pas en cas de nécessité opérationnelle avérée, si l’emploi du salarié justifie cette sollicitation en dehors des heures de travail.

Intérêt des chartes informatiques :

Les employeurs sont encouragés à formaliser ces règles dans une charte informatique, document présenté aux institutions représentatives du personnel et remis aux salariés dès l’embauche. Ce document encadre l’utilisation du matériel informatique remis au salarié.

Tout dispositif de surveillance numérique doit faire l’objet d’une information préalable aux salariés : technique employée, modalités de contrôle, proportionnalité entre le contrôle et les nécessités de service.

Le dispositif de contrôle ne doit pas permettre de contrôler toutes les conversations et échanges y compris privés.

Le salarié peut demander un accès à sa messagerie en cas de licenciement pour faute grave

La chambre sociale de la Cour de Cassation a déclaré par décision du 18 juin 2025 le caractère de « données personnelles » des courriels émis ou reçus par le salarié sur sa messagerie électronique professionnelle.

En application de l’article 4 du RGPD, ces éléments numériques (professionnels) doivent pouvoir être remis au salarié qui en fait la demande : l’employeur doit lui fournir tant les métadonnées (horodatage, destinataires, dates d'envoi/réception, adresses IP, ou chemins d'acheminement) que le contenu des messages et pièces jointes.

Cette décision devrait faciliter l’action des salariés licenciés notamment pour faute grave et qui contestent leur licenciement devant un conseil de prud’hommes. Compte tenu de leur départ brutal, ces salariés se sont vus privés d’accès à la messagerie et ne peuvent parfois plus réunir des éléments indispensables à leur défense.

Qu’il s’agisse de prouver un harcèlement, des objectifs inaccessibles ou des horaires de travail excessifs, la preuve passe le plus souvent par la fourniture des mails échangés pendant la collaboration, et dont le salarié est privé lorsqu’il a été mis à pied.

La demande d’accès à sa boîte mail sur la base de cette jurisprudence pourrait désormais faciliter la preuve du bien fondé de certaines réclamations.

Pendant une absence pour congés ou maladie :

Lors d'une absence temporaire d’un salarié (congés payés, arrêt maladie), l’employeur peut légitimement accéder à ses e-mails professionnels pour garantir la continuité de l'activité. Cette pratique, encadrée par la CNIL, s'applique uniquement aux messages liés à l'activité de l'entreprise. Les courriels explicitement marqués comme personnels restent protégés par le secret des correspondances.

Autres préconisations de la CNIL pour gérer une absence temporaire :

  • Configurer un message d'absence automatique : Informer les destinataires de l’indisponibilité et rediriger les urgences vers un collègue compétent.
  • Transférer les dossiers critiques : Partager les projets urgents avec un collègue désigné, sans divulguer son mot de passe personnel.
  • Conserver son mot de passe, sauf demande expresse d’un supérieur en cas d’absence.

Après la rupture du contrat de travail :

En cas de départ définitif, il est recommandé à l’employeur de désactiver le compte dans les trois mois, tout en conservant la messagerie jusqu'à six mois pour assurer la transition et en cas de demande d’accès du salarié à ses données numériques.
Ces mesures peuvent figurer dans la charte informatique.

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