La faute professionnelle au temps du télétravail

Le développement du télétravail lié notamment au confinement et à la crise sanitaire ne modifie pas les fondamentaux du lien contractuel, mais il faut tenir compte de cette organisation spécifique dans la définition de la faute et l’application d’une sanction.

Le développement du télétravail

Ces dernières années, le travail à domicile était une modalité d’organisation du travail minoritaire, mais en voie de développement, de plus en plus prisée par les entreprises et par les salariés. Pour ceux dont le métier peut s’exercer à distance à l’aide d’outils informatiques, le télétravail permet d’éviter temps de transport et embouteillages, et peut faciliter la logistique familiale (plus grande disponibilité pour les sorties d’école par exemple).

La crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus, entraînant un premier confinement national en mars 2020, puis un second en octobre 2020, a sinon imposé, du moins encouragé fortement le travail à domicile.
Les salariés ont été équipés d’ordinateurs, caméras et logiciels adéquats, les employeurs ont revu leur façon de manager et de réunir les équipes de façon virtuelle.

Il est vraisemblable que de nombreuses entreprises, même une fois la crise finie, garderont une proportion importante de recours au télétravail, parfois à raison d’un ou deux jours par semaine, suffisants pour modifier le quotidien d’une entreprise. Cette organisation permet également d’économiser de la surface de bureaux, et le temps passé en réunion.

Quel impact le télétravail a-t-il sur le droit disciplinaire et les obligations du salarié ?

En premier lieu, le recours au télétravail, en son principe, doit être accepté par le salarié :

  • Soit au moment de la conclusion du contrat de travail qui prévoira un ou plusieurs jours par semaine de télétravail, ou un recours possible ultérieur au télétravail ;
  • Soit en cours de contrat.

En principe, dans cette seconde situation où le télétravail était imprévu à l’origine, le salarié peut refuser cette modification, mais il sera très malvenu de le refuser dans le contexte d’un confinement national imposant un effort particulier aux entreprises privées pour limiter les déplacements de ses salariés. La jurisprudence n’a pas encore eu à juger d’un éventuel licenciement pour refus d’un salarié de télétravailler en période de crise sanitaire. Il est à noter que les pouvoirs publics n’ont pu que recommander le travail à distance, sans pouvoir l’imposer aux entreprises privées.

De la même façon, un salarié ne peut imposer à un employeur le recours au télétravail en cours de contrat, mais l’employeur devra justifier son refus si le salarié est déclaré travailleur handicapé.

  • Enfin, un employeur ayant eu recours de façon informelle au télétravail alors que la disposition ne figurait pas au contrat de travail, peut à tout moment renoncer à cette modalité dérogatoire au contrat initial, en l’absence d’écrit à ce sujet. Le salarié qui refuserait à plusieurs reprises de renoncer au télétravail et ne pouvant invoquer une disposition écrite entre lui et son employeur commettrait une faute grave (cassation sociale 18 décembre 2013 – n° 12-20228).

En second lieu, il faut rappeler que le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise (article L1222-9 du code du travail).

Le télétravailleur a donc droit au respect des durées maximales du temps de travail, à la protection de sa santé et de sa sécurité, aux congés de tout nature, aux tickets restaurant s’il en existe dans l’entreprise, aux avantages sociaux et culturels du CSE, etc.

En troisième lieu, les droits et obligations principaux découlant du contrat de travail ne sont pas modifiés par le télétravail.

La mission doit rester la même en quantité et qualité, et l’employeur doit de la même façon fournir les consignes et les moyens pour effectuer ladite mission. Le salarié doit respecter les règles édictées par des normes d’entreprise, comme par exemple le règlement intérieur.

Le lien de subordination et le pouvoir de direction (incluant le pouvoir disciplinaire) sont inchangés.

Mais la particularité du travail à distance et à domicile peut faire naître des difficultés spécifiques :

  • Le cadre autonome qui travaille de chez lui est-il totalement libre de ses heures et temps de connexion ?
  • Le cadre autonome en télétravail peut-il s’absenter de son domicile pour des motifs personnels en cours de journée (sortie d’école, courses, repas, rdv médical) ?
  • Le salarié peut-il choisir la proportion de son temps passé en télétravail, et quels jours de la semaine ? Peut-il s’opposer au télétravail ? Ou l’exiger ?

Pour éviter la naissance de conflits et tensions autour de cette modalité, il est conseillé de convenir des modalités pratiques par un avenant écrit.

L’article L1222-9 du code du travail prévoit en effet un certain formalisme et impose un accord d’entreprise, ou à défaut une charte élaborée par l’employeur après avis du CSE.

Mais dans le cas où l’accord d’entreprise est impossible, alors le salarié et l’employeur « formalisent leur accord par tout moyen ».

Il est grandement recommandé de prévoir un avenant qui reprendra les points imposés aux accords ou chartes :

  1. Les conditions de passage en télétravail, en particulier en cas d'épisode de pollution mentionné à l'article L. 223-1 du code de l'environnement, et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;
  2. Les modalités d'acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;
  3. Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
  4. La détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;
  5. Les modalités d'accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail, en application des mesures prévues à l'article L. 5213-6.

Il serait utile de rajouter la liste des équipements fournis : ordinateur, caméra intégré, scan, logiciels de réunion ou autre….

L’employeur doit également prévenir le salarié d’un éventuel système de surveillance à distance, pour lequel il aura consulté les représentants du personnel. Les dispositifs de cybersurveillance doivent également être déclarés à la CNIL.

Ces outils de contrôle (système de pointage à distance, contrôle des connexions informatiques et des sites visités, géolocalisation etc.) sont valables s’ils sont pertinents et proportionnés au but poursuivi (sécurité des données, contrôle du temps de travail ou de l’utilisation de l’outil informatique fourni…), en tenant compte du métier exercé par le salarié et de son degré d’autonomie.

Ces outils permettront, le cas échéant, de fournir une preuve de la faute reprochée (non connexion à une heure donnée, site illégal visité…) et cette preuve sera valable à condition que le système de surveillance réponde aux exigences définies ci-dessus.

C’est une fois ce cadre de travail et ces méthodologies fixés que l’employeur pourra d’autant mieux exercer son pouvoir de direction et éventuellement motiver une sanction.

Les fautes les plus souvent constatées en télétravail

La faute typiquement liée au télétravail est le fait de ne pas répondre aux sollicitations informatiques (mail, téléphone, visioconférence) durant les plages de travail fixées en amont, à condition qu’il n’existe pas de dépassement régulier et flagrant, par l’employeur, des durées du travail convenues.

Les reproches liés à la quantité ou la qualité du travail, au comportement avec les clients, aux relations avec ses collègues, etc, sont en principe appréciés de la même façon, que le salarié soit en télétravail ou non.

Attention, le salarié doit être équipé de façon à ne pas être pénalisé par une défaillance technique (réseau intermittent, processeur lent, etc…) ou un manque de formation à ses outils informatiques.

Si l’employeur décide de sanctionner le salarié en télétravail, il doit respecter les étapes préalables et la convocation à entretien préalable en cas de mise à pied ou licenciement.

Le confinement du mois de mars 2020 a vu la mise en place de procédures disciplinaires (valables) incluant :

  • convocations à entretien adressées par messagerie internet avec accusé de réception,
  • entretiens se déroulant en visioconférence,
  • notifications adressées par voie postale en RAR.